Une analyse-réaction pleine de sensibilité, par Valérie patriarche

A propos de : Les mémoires d’un arbre

Un arbre et un auteur… Lequel des deux nous raconte une histoire ? Est-ce l’histoire d’un arbre racontée par un auteur ou bien l’histoire des hommes racontée par un arbre ? Dans les mémoires d’un arbre de Carole Zalberg, on dirait que l’arbre, être vivant mais végétal, s’est servi de l’auteur comme de l’outil lui permettant de s’exprimer ! L’arbre, dont le bois fait « les pages sur lesquelles les hommes réinventent leur histoire », se donne entièrement dans ce livre dont Carole Zalberg ne serait que l’humble traductrice…Bien sûr, il aura fallu que l’auteur soit extrêmement réceptif pour transmettre au lecteur les pensées et les souvenirs d’un arbre ! Cependant, le récit qui nous est proposé ici semble être celui d’un être de vingt siècles d’existence, et chaque mot a le poids de cette longue existence qui n’est pas à la mesure d’une existence humaine.

Le récit présente à la fois les valeurs d’un conte d’antan et le modernisme d’une écriture nouvelle, il est comme l’œuvre d’un être qui a vu des siècles d’histoire. Ce n’est pas seulement le contenu qui nous fait savoir que le conteur a vingt siècles, mais aussi la manière même dont les choses sont formulées. D’où l’écriture nouvelle ! L’auteur semble aller au-delà de son propre style pour créer (ou comprendre, qui sait ?) celui de l’arbre dont la nature et la temporalité ne sont pas celles de l’homme. Et puis, qui symbolise mieux le conteur qu’un vieil arbre ayant traversé plusieurs siècles d’histoire des hommes ? Rien de tel qu’un bon enracinement et une éternité devant soi pour savoir observer et sentir !

Parce que c’est bien des hommes qu’il s’agit ! Ce sont eux qui se meuvent autour de l’arbre immobile mais pas immuable. Ce sont eux, qui, dans une excitation tout humaine, dansent et souffrent autour de l’arbre aux multiples sensations. Pendant que les hommes « vont debout, et tombent, et se relèvent, et tombent encore », l’arbre reste enraciné et grandit. Ainsi, il acquiert une extraordinaire maturité qui fait de lui un véritable patriarche. Il s’épanouit bien mieux que les hommes qui oublient trop souvent d’arrêter leur course folle, il n’est en rien l’être méprisable auquel on compare l’homme défaillant qui végète. Au contraire, sa nature végétale lui donne la sagesse et la stabilité qui font trop souvent défaut à l’espèce humaine.

Mais l’arbre sait que l’espèce humaine peut être capable du pire comme du meilleur, lui même fait sa propre expérience de leur histoire. Il est bien souvent le lieu de sérénité où viennent se ressourcer ceux qui ont compris qu’il était l’origine des origines, figure de l’énergie terrestre. Ceux-là seuls trouvent au creux de ses racines ou dans les hauteurs de ses branches, le réconfort des bras de leur terre nourricière. Ceux-là seuls savent écouter les arbres.

La prose de Carole Zalberg, écrivain de ce nouveau siècle où les arbres sont si mal entendus, n’est pas celle à laquelle la plupart des femmes écrivains d’aujourd’hui sont en train de nous habituer : il y des moments d’actualité et des moments de toujours, des joies et des peines, des tempêtes et des silences, des tabous qui tombent, des souvenirs envahissants, des mémoires blessées, des espoirs et des peurs, beaucoup d’amour et tant de violence en même temps… Il y a tout ça et plus encore, mais l’écriture n’est jamais crue même quand les sujets le sont, elle est poétique. Peut-être que l’auteur sait vraiment écouter les arbres ?

Valérie PATRIARCHE

Une réaction poético/philosophique de Iannis Pledel

(à propos de Chez Eux)

Dieu est mort,

Ainsi,

Dieu est mort, pourrait être l’épitaphe de cette triste période…historique, aimerait-on rajouter…aimerait-on…n’est-ce pas ?

Mais, aimerait-on ? Oui sans aucun doute, toujours. Ni mort ni abandon ne souffriront le déclin des doux leurres de l’amour. Quand le paradoxe d’une phrase est à double tranchant comme celle-ci.

Le livre de Carole est ainsi…au fil du rasoir…entre joie et peine, entre pleurs et rires…mais léger, véritablement, comme une petite fleur aux pétales de verres qui flotte aux vents mais jamais ne se brise.

Si tu pleures de joie, ne sèche pas tes larmes : tu les voles à la douleur,

Ainsi parlait Toulet.

« Il prit la petite contre lui et la garda serrée jusqu’à ce qu’elle n’eût plus la moindre larme à verser. Alors elle put relever la tête et lui sourire. »

Le Temps est toujours présent…au fil de la plume…

La bêtise est souvent un ornement de la beauté,

Ainsi parlait Baudelaire.

« C’est une honte ce qu’ils vous font, crache-t-elle. Puis l’agitation comme une marée se retire et ne revient plus. Anna comprend qu’elle ne doit rien dire. Juste savourer cette étrange joie qui soudain la submerge. »

L’Ombre omniprésente, le verbe est acéré prêt à tomber sur n’importe quelle phrase…au fil du fleuret…

Je n’admire jamais tant la beauté que lorsqu’elle ne sait plus qu’elle est belle,

Ainsi parlait Gide.

« Si Mamma avait pu la voir, sa princesse, à ce moment-là : maigre, les plis et les creux charbonneux dans une nudité à vif tant s’accumulait les petites plaies jamais soignées et les lésions suintantes d’avoir été grattées »

Et la lumière peu à peu d’éclairer son chez soi…ô toi lecteur.

Les femmes réalisent la beauté sans la comprendre,

Ainsi parlait Proust.

Cette citation pourrait paraître misogyne comme ce roman pourrait paraître historicisant, voire larmoyant, tel n’est pas le cas, tout est affaire d’écriture, d’équilibre, au fil de…nous l’avons dit, nous ne le répèterons pas assez… le texte effleure et pénètre…il chatouille et pique… Potelées d’avant ce long voyage, les petites mains roses serrées l’une contre l’autre de la toute petite Anna s’entrouvrent, elle nous les tend, on y jette un œil, on y aperçoit une feuille d’ortie. Insouciante, elle ne sait pas encore que sur notre sourire il faut y lire la beauté de son geste, si pur, si simple, incarnata. Carole, elle, l’a bien saisi.

Iannis Pledel

Le 18 mars 2004

Une réaction historico/coup de gueule de Frédéric Bourtayre

Il y a quelques mois, Carole m’a fait parvenir le manuscrit de « Chez eux ». Conscient de la valeur salutaire d’une lecture attentive mais néanmoins rapide sur les nerfs d’un auteur (je suis moi-même auteur !) je m’attelai aussitôt à mon devoir de lecteur.

Peu doué, et encore moins qualifié pour la critique littéraire, je pouvais seulement dire si j’aimais ou non. En l’occurrence j’aimais beaucoup. Cependant, historien par nature et par formation, je proposai quelques remarques purement informatives sur une scène ou deux, remarques qui ont je crois été introduites dans le texte. Et quand bien même elles ne l’auraient pas été que cela n’eut rien changé à sa qualité.

Nous avons continué nos échanges par mails et certains ont porté sur ce qui me semblait être l’absence d’un contexte historique, du moins en préface ou en postface. Je lui soumis donc cette idée. Elle refusa. Elle voulait, si j’ai bien compris, garder une certaine intemporalité à cette histoire qui lui était si proche. A bien y réfléchir, je crois qu’elle a eu raison. De tous temps et sous tous les horizons, des histoires comme celle-ci se répéteront à l’infini. Vivre dans la peur.

Mais je suis têtu.

Ainsi l’hiver de notre déplaisir dura quatre ans. On disait « à Berlin ! » On se retrouva à Bordeaux. Là, fébrilement, Marianne attendit Blücher. Ce fut Pétain. L’homme de Verdun faisait don de sa sénilité à un pays qui s’était jeté sur les routes, sonné par une défaite absente des pires cauchemars de nos fiers stratèges empanachés. Chaleur, peur, déroute, mort, 100 000 morts en un mois ! Défaite absolue. La 7ème compagnie n’a jamais existé ! Paris ville ouverte. Le moustachu dans sa benz benz benz qui expédie sa conquête en une matinée : Trocadéro, Tour Eiffel, tombeau de Bonaparte. Mein Fürher, j’abbrends que le Boulin Rouge est vermé ! Hach… Est-ce que tout cela ballait bien la peine. He bien rendrons. Efa doit s’inquiéter. Elle me croit engor à Tanzig !

Dans les rues, la vermine reprend des couleurs. Déjà ! Elle crie Dunkerque. Elle ne va pas tarder à dire Mers el Kebir. Elle suggère francs-Maçons ! Pense communiste. Crache juif !

La république s’est sabordée bien avant la flotte de Toulon en donnant les pleins pouvoirs à l’ancien ambassadeur de France auprès de la toute nouvelle Espagne de Franco. 1856 ! Il est né en 1856 ce Maréchal là. Déjà à la retraite en 1914. Un homme bien d’après ses contemporains. Républicain bien entendu. Et pas trop crotté par l’Affaire. Un soldat qui a rétabli la confiance dans les cagnas de Douaumont, fait tourné le pinard et pensé que le biffin, avant de mourir, l’avait peut-être comme ça un peut envie de vivre encore : double ration de perm. Et doucement sur les exécutions des mutins. Un gars qui comprenait la souffrance du troufion.

Juin 40. 6 millions d’anciens combattants qui voient leur fils se prendre le pied dans le drapeau. Et devant ceux à qui ils avaient botté le cul 20 ans auparavant. Où ça ? A Verdun monsieur ! Tenant pied à pied, lâchant nib du sol natal, crevant plutôt que de laisser le teuton souiller le charnier. Des hommes admirables. Des deux cotés. Courageux ? Très probablement. Ayant envie de vivre ? Définitivement.

Mais se faire botter le cul, ça laisse des traces. Sur l’amour propre bien sur. Aussi et surtout dans la tête de l’ami Fritz qui se dit : finalement, c’te foutue guerre, on l’a perdue en 18, en détalant devant les chars et les ricains. Il y a pt’être quelque chose à changer dans notre façon de conduire nos affaires militaires ! Pas bouger, creuser des trous, attendre que les marmites vous tombent sur la gueule avant de se lancer dans une course de fond d’environs 15 centimètres… Ca marche pas. Alors on va bouger ! Mettre des chenilles aux charrettes et foncer dans le tas. Blitzkrieg qu’on va appeler ça. Guerre de mouvement. Et tandis qu’à Berlin on pensait « on s’est planté en 18 », à Paris, grand-père Maréchal disait « on a gagné en 16, dans les tranchées ». A Hambourg on déclarait : « c’est les chars et les avions qui nous ont foutus dedans. Guerre de mouvement ! » A Paris, après l’armistice de juin 40 on dira, c’est à cause de « quai des brumes » qu’on l’a perdue celle-ci. On a les considérations stratégiques que l’on peut.

Pourquoi je dis ça moi ? Parce que… Parce que c’est le grand manitou des tunique bleues horizon, celui qui tire les ficelles des marionnettes enganachées qui se répandent dans les salons en glapissant « nous vaincrons parce que nous sommes les plus forts », le maître à penser de la défensive, le parrain de la ligne Maginot, qui justement fait don de sa personne à ce qui reste de la France en ce 16 juin 40. Philippe Pétain ! Père fouettard sûr de son droit. Va falloir ressaisir c’te caserne, nettoyer les écurie d’Augias. Laisser le Germain s’amuser avec ses pt’its soldats et remettre ce pays dans le bon sillon. C’est pas un caporal autrichien qui va faire la loi chez nous. Il veut des lois, on va lui en donner. Et des bétonnées. Du solide, avec une flopée de signature. Faut dire qu’il est pas tout seul le bougre. Le parlement lui donne blanc seing et va se coucher. Ces députés qui ont bradé la république c’étaient ceux du Front Pop.. Enfin pas tous. 40 ont refusé. 26 ont fui. Des noms qui claquent : Mandel, Mendes-France, d’autres moins reluisants : Daladier. Blum est en taule. Thorez à Moscou depuis 39 et Duclos expédie les affaires courantes, pacte germano-soviétique oblige. Puis il y a tous les autres, ceux qui ne se sentent plus chez eux depuis que la tête du gros Louis est tombé dans le panier, ceux qui pensent que c’était mieux avant, disons avant St Louis, des cagoulards qui mettent bas les masques, des admirateurs d’ordre et de défilés paramilitaires, des rancuniers de la politique aussi, poussés dehors par la vermine rouge, des comités des forges spoliés par le monde de la casquette, ceux qui appellent à régénérer la source d’où la Gaulle tire sa vigueur, des bouffeurs d’angliches. Des bouffeurs de juifs surtout. D’excellents Français comme disait la chanson.

Et tandis qu’à Paris, quelques décérébrés roulent des pelles goulues à Ziegfried tout en se pâmant sur les brumes mystiques de la Forêt Noire, à Vichy on s’organise. On taille dans le gras vite fait bien fait. Pétain pour l’image. Laval pour la mécanique. Et une clique de technocrates pour huiler le tout. Suppression du parlement, des syndicats, abolition de fait de la République remplacée par l’État Français. Un œil sur l’Empire qui s’étend au-delà de la Méditerranée, un autre sous les jupes des comices agricoles, le vieux s’amuse avec ses santons. Fait sauter les enfants sur ses genoux Papy. Et signe dans la foulée les premières lois anti-juives. Dès octobre 1940 ! L’avait encore rien demandé l’Adolf à se sujet. Bon c’est vrai fallait pas lui en promettre. Mais tout de même, pondre en France, dans la langue de Montesquieu, des lois qui en théorie sont encore plus restrictives que celles de Nuremberg, faut vraiment le vouloir. Ils ne l’ont pas seulement voulu. Ils l’ont fait. Et avec bonne conscience en plus. Histoire de devancer le Hun. De lui prouver qu’on n’avait pas besoin de lui pour rédiger des décrets. Et de mettre à l’abri les Français. Parce que ma bonne dame, on a beau dire, ces gens là, sont pas comme nous tout de même. Viennent des steppes ces canailles. Comme les Teutons me direz vous. Oui mais eux au moins ils sont corrects. Et puis avec leurs harengs, leurs papillotes, leurs grosses lèvres tout ça… Vous trouvez qu’ils font Français ? Pas entre octobre 1940 et août 1944 toujours, et selon le Code pénal. C’est comme ça ! Un coup de tampon et vous voilà par ordonnance rayé des cadres de la nation. Bon, un coup de crayon ça va, c’est pas dur à tracer. Mais une fois le carnet bien refermé, et les trois bordereaux expédiés, ben l’est toujours là le gars. L’existe plus. Mais l’existe encore. On lui a déjà tout interdit. On va tout de même pas lui interdire de… Ca faut voir avec les Boches. Seconde vertigineuse ou la civilisation bascule toute entière dans la barbarie.

Donc, pour faire bonne mesure à ces mesures nouvelles, au palais Berlitz on évalue scientifiquement l’influence de la juiverie sur les malheurs de la France, introducing Alphonse de Châteaubriant as the orateur : « amis de la science, regardez cette photo. Le port de cet homme, son profil, l’arête de son nez, sont le pur produit du ghetto.. Ah quoi ! On m’apprend qu’il s’agit là d’un pécheur breton.. Distraction bien excusable chez nous les scientifiques. Cette fois ci c’est la bonne.. » HONTE. Drieux est à la buvette, Brasillach au vestiaire et Céline bat la retape pour attirer le chaland. HONTE. J’ai beau chercher, je vois pas Guitry*.

Mais dans les cabinets du Maréchal, où se jouent les affaires de la France, on se dit tout de même que, même si ces simagrées ne manquent pas d’allure pour conditionner le pékin, il faudrait quand même faire quelque chose. Pourquoi faudrait-il faire quelque chose ? Ben pour ça ! Ça quoi ? Les Israélites voyons ! Bien sûr. Faites mon ami, faites. La loi, et rien que la loi. Mais essayez tout de même de ne pas séparer les familles. La loi dit tu n’existes plus. Ton chien existe. Il peut bouffer dans sa gamelle. Il peut allez chez le véto. Toi tu bouffes dans l’arrière cour de tes anciens appartements. Si t’es malade tu peux allez voir le docteur. Mais comme il y a un grand J sur tes papiers, alors tu peux te brosser, parce que soit le docteur il te dit casse toi, soit c’est son voisin, qui lorgne sa maison, sa femme et ses bijoux qui va aller voir les flics pour rapporter à la connaissance de monsieur le commissaire que le docteur untel, exerçant profession de médecin rue machin, compte parmi ses habitués et patients de nombreux israélites, mot générique qui évite de s’embrouiller dans les méandres d’une réglementation ou sont référencé juifs, demis juifs, quart de juif …. ah la lettre de dénonciation anonyme. Record du monde battu.

Et si tu passes outres la loi, que tu l’oublies l’étoile, alors là tu es hors la loi, hors d’une loi qui justement te dénie tout recours à la loi. Les juristes sont impayables.

Mais pas les marchands de misère. Ou les marchands tout cours. C’est leur métier. Et puis il faut bien manger. Faut dire que tout est hors de prix dans ces années là. Tout sauf la vie. 40 millions de crève la dalle, à compter et recompter leurs tickets de margarine, de pain, de tissu, à payer des fortunes pour un litre de lait. 40 millions de chie la trouille, un œil sur la relève, attendant le retour d’un père, d’un fils, d’un frère, un autre sur le ciel que traversent les Armadas de la liberté. 40 millions à gérer un quotidien encore plus pourri que la veille. Alors les israélites, français ou non…. On veut bien aider mais nous aussi on a nos problèmes. Alors on aidera. Du moins comme on le pourra. La France à un gouvernement de salauds, une avant-garde d’enfoirés prêts à passer tout ce qui ne s’appelle pas Dupont par les armes, une police au ordre et une administration douée d’une réelle efficacité lorsqu’il s’agit d’appliquer le règlement. La France est aussi un pays de Justes anonymes, qui par intérêt parfois, par empathie souvent, l’un allant de temps en temps avec l’autre ont sauvé des gens. Simplement parce que c’était des gens.

Et cela n’était pas acceptable. Il fallait trouver une parade. Rendre plus dur ce qui était déjà presque impossible. Donner preuve à l’occupant. Parce que ça s’organise aussi de l’autre coté de la Manche. Sans parler du front de l’Est. Fait toujours le matamore le Hulan, mais il y a comme un arrière goût « d’j’y crois plus trop » dans la propagande. Et forcément quand ça coince d’un côté, faut bien que ça paie de l’autre.

Wansee ! La question juive est expédiée en 5 heures. Conclusion : traitement spécial pour 11 millions de juifs européens et autres tziganes.

Laval avait été viré. L’était trop allemand comme président du conseil. Fallait faire dans l’odieux, mais dans l’odieux français monsieur. Mais là ça ne rigole plus. On rappelle Laval. Et on rafle. Si on leur donne satisfaction, vont bien nous foutre la paix pour notre Révolution nationale ces vert de gris. Et puis on nous dit que c’est pour les mettre au travail en Pologne. Z’ont jamais rien foutu de leur vie ces canailles. Ça va pas leur faire de mal de bosser un peu. Et puis surtout, ne séparez pas les familles. LES ENFANTS AUSSI. Les enfants aussi….. Pour aider la police, parce que ça doit rester entre les mains des autorités françaises tout de même, on va créer la Milice. C’est ces braves gars qui fusilleront Mandel et puis Marc Bloch. Z’avaient la loi pour eux. On vivait dans un autre monde. Et mon pays était devenu fou.

Jusqu’à la fin les convois partiront. Bourrés jusqu’à la gueule de désespérés de l’humanité, de pauvres ères qui croyaient en la France. Pour où ? Mais on ne savait pas ? On nous avait dit que ! C’est les Allemands qui !!!! Depuis fin 42 Churchill, Roosevelt et Staline savaient ce qui se passait à Treblinka, à Birkenau, et dans les autres camps de la mort. J’ai peine à croire que les autorités françaises aient pu ignorer le massacre.

Mais ce massacre n’était pas un but de guerre. Casser la gueule au Reich, lui briser les reins, l’anéantir, voila quels étaient les buts de guerre. Le crime contre l’humanité ne sera que le cinquième chef d’accusation à Nuremberg. Aujourd’hui on ne se souvient que du cinquième chef d’accusation, mais à l’époque… Tout cela venait après. L’impensable était difficile à digérer. Voir même à imaginer. On ne vivait pas dans le même monde. Une anecdote à ce sujet : Au cours de l’été 1944, les armée franco-américaines remontent le long du Rhône. Le général américain s’inquiète. Pourquoi les français n’avancent pas ? Il envoie sont ordonnance qui trouve l’état major français réuni devant une carte. Pourquoi on n’avance pas ? Hé bien voyez vous John, les Allemands sont là, nous sommes ici, et entre nous se trouvent tout les plus grand crus de Bourgogne. On va quand même pas ravager ces vignobles. Puis une estafette française est arrivée et a lancé, « on a trouvé un passage à travers un cru tout à fait moyen mon général ! » Et les soldats ont planté leurs godillots dans de la vigne à tout venant. A Auschwitz, quelques semaines auparavant, ils dépassaient les 10.000 par jour. La civilisation y avait gardé en bon goût ce qu’elle y avait laissé en honneur. Mais le monde était fou. Et mon pays aussi

Un mot encore. Le révisionnisme gagne chaque jour du terrain. Et il ne faut en aucun cas l’appeler ainsi. Ces gens là ont bien compris que ce terme, révisionnisme, est l’essence de toute science, et notamment la science historique : jusque dans les années 70, l’idée que l’on se faisait de la France de Vichy semblait figée dans le mythe du bouclier Pétain et de l’épée de Gaulle unis sans en avoir l’air en une même cause anti-allemande. Puis est arrivé un historien américain, Robert Paxton qui a révisé cette histoire, l’a étudiée sous un autre angle et qui a mis au jour la saloperie qu’était l’Etat français de 40 à 44. Ceux qui s’intitulent révisionnistes et qui ont même poussé le vice jusqu’à intituler leur revue « anales de l’histoire révisionniste » histoire de se raccrocher à la prestigieuse revue des anales d’histoire économique et sociale fondée par Lucien Fèvre et Marc Bloch (oui celui qui à été fusillé par la milice) ne sont en fait que de vulgaires négationnistes, qui refusent toute existence à une réalité. Ils nient l’histoire par conviction. Ils nient ainsi la mort de plus de 6 millions de nos semblables. Et en niant leur mort, ils essaient de nous faire croire qu’ils n’ont jamais existé. Mais il y a la petite fille en rouge de la Liste de Schindler. Et tous les souvenirs. Et tous les enfants. Et les livres. « Chez eux » en fait partie.

* Bien que sa constitution ne l’ait jamais rendu très résistant, Sacha Guitry n’a jamais rien commis qui puisse attenter à l’honneur d’un homme. D’une femme je dis pas. Mais c’est là une autre histoire.

Frédéric Bourtayre, historien, auteur de Tremblement de terre et autres complications, roman, Nicolas Philippe.
17 mars 2004

La Mère horizontale et Et qu'on m'emporte coup de coeur d'Amélie Nothomb

Le coup de cœur d’Amélie Nothomb dans Service Littéraire, le mensuel de l’actualité romanesque, dirigé par François Cérésa. Avril 2009.

Service Litteraire Amelie Nothomb

Service Litteraire Amelie Nothomb

Le site du journal : http://www.servicelitteraire.fr

Des réactions de lecteurs à Et qu'on m'emporte

Les dernières réactions de lecteurs

A propos d’Et qu’on m’emporte

J’ai fini ton livre hier soir, quelle force, quelle musicalité ce monologue! Quelle tension aussi dans cette épure qui accède au plus profond, au plus douloureux, l’indicible, comme seuls les authentiques écrivains ou les comédiens l’éprouvent, l’expriment, eux dont c’est le rude job de franchir les lignes, de passer au-delà du miroir des apparences, des émotions. Un véritable personnage de tragédie, cette femme. Mais la mort annoncée vaut bien une telle tension, une aussi violente introspection!

Francis Kochert

Quoique me risquant depuis quelques temps à tutoyer la vocation d’auteur, je reste un simple lecteur. Pas un grand lecteur. Je lis peu, car très lentement. Mais un lecteur que les mots, les beaux, les forts, les purs, emportent aisément. C’est ce qu’il m’est arrivé à la lecture du dernier, beau, fort et pur, roman de Carole Zalberg. Coïncidemment titré « Et qu’on m’emporte ».

Je ne vais pas m’étendre sur le fond. D’autres que moi s’en sont acquittés. Mieux que je ne saurais le faire. Ce qui m’impressionne par dessus tout chez Carole, c’est la forme. La force tranquille, pardonnez cette déjà désuète référence, de son style. Sa capacité à dire tout avec si peu. A manier l’ellipse comme un peintre manie le clair-obscur. A raconter une histoire par petites touches. Sans qu’aucun des traits, des aplats, des couleurs, des ombres qu’elle choisit de combiner ne paraisse de trop. Carole Zalberg ne cherche pas le joli mot, elle cherche le mot juste, celui qui traduira le plus précisément l’émotion qu’elle souhaite faire passer. Et ça fonctionne du feu de Dieu.

Dès les premières pages du roman, on sait ce qu’il va advenir de son personnage principal, Emma, mère indigne qui s’assume comme telle. Mais on ne sait pas encore de quelle manière Carole Zalberg va nous le faire ressentir.

C’est un peu comme d’écouter pour la première fois un morceau de rock progressif. On sait pertinemment que chaque note, chaque instrument, chaque progression d’accord tend vers un instant d’explosion qui ne durera peut-être que quelques secondes mais qui nous arrachera malgré tout mille frissons.

Lorsque cet instant arrive, dans le roman de Carole, ses mots prennent une dimension émotionnelle qu’il est en effet plus facile de rencontrer en musique qu’en littérature.

C’est suffisamment rare, trop rare même, pour mériter d’être lu, vécu, aimé, partagé.

Merci Carole…

Arnaud Huber

Je l’ai lu… En fait, je l’ai même terminé il y a une semaine. Au milieu de ma lecture, déjà, je voulais t’envoyer un mail. Je l’ai écrit dans ma tête et je me suis arrêtée là. A la fin de ma lecture, je t’en ai écrit un autre, mais qui lui aussi est resté entre mes oreilles. aAors voilà, cette fois, je te le fais partager (pas trop tôt).
J’ai trouvé ton texte magnifique, fort, juste, prenant, douloureux, méchant, tendre, triste, mordant. Cette femme odieuse, on n’a pas envie de l’excuser parce qu’elle est en train de mourir. Elle est dure et cynique et pourtant (par quel miracle réussis-tu ce tour de magie?), elle est humaine. Elle est une part de nous. La part que l’on refuse de regarder et de s’avouer. Jamais tu ne tombes dans le pathos, chaque page nous entraîne un peu plus profondément dans les entrailles de cette femme détestable, incroyablement lucide et sincère et si humaine. Elle était là avec moi, couchée près de moi, je sentais presque sa peau froide contre la mienne et c’est elle qui murmurait les mots à mon oreille.
Par une coincidence étrange, mon fils doit lire pour le collège, le livre de ma mère et pour pouvoir en discuter avec lui, je le relis en ce moment même, l’antithèse de ton roman. Ta mère est vraie, elle existe, elle est là, tout autant que la sienne.
Pour tout dire, tu l’auras compris, ce roman porte magnifiquement son titre : il m’a emportée.

Amélie Sarn (dernier ouvrage paru : Mon papa flingueur)

J’ai lu ton magnifique Et qu’on m’emporte.
Ce livre, comme tu l’auras deviné, m’a énormément plu. Il est puissant, violent, incarné. Le passage de la mort de la fille d’Emma est si fort (la voix « rauque et pulvérisée »). Et ce que dit Emma du secret des femmes « quelque chose de leurs secrets ne cède jamais ». Je trouve ton écriture viscérale et elle m’a vraiment emportée !

Véronique Ovaldé (dernier ouvrage paru : Mon cœur transparent)

Bravo pour ton livre ( un chant), ton écriture de dentelière, ta cruauté tendre et ton émotion brute.

Bessora (dernier ouvrage paru : Et si Dieu me demande, dites-lui que je dors)

J’ai emmené votre petit dernier à la montagne, dans une neige abondante et donc particulièrement blanche. Je l’aime énormément, le livre et la femme qui se livre, se délivre, fouille et fait les comptes et rend des comptes. J’ai lu avec attention la lettre d’Amélie Nothomb, que je m’étais réservée pour l’aval de ma propre lecture, une belle lettre. C’est émouvant de pouvoir la découvrir manuscrite. J’ai aimé ressentir le retour de la mère horizontale comme si je l’avais lue hier. Et des passerelles, une toile qui se tisse entre les livres. Des choses que l’on lit aujourd’hui que l’on pressentais hier. J’ai aimé l’histoire individuelle, l’histoire de famille, l’histoire sociale aussi car tout se mélange, et on entend bien la voix de cette femme, la voix de la femme qui s’affirme, qui s’assume, qui en prend le risque et en regarde le prix à la fin de sa vie. Une voix qui nous permet d’être ce que nous sommes aujourd’hui. J’ai aimé la tonalité que vous avez choisie, celle que vous avez laissée venir, qui nous permet de la comprendre sans la juger à aucun moment. Emma est suffisamment dure avec elle-même, elle ne cesse d’être dure avec les siens, tout en lâchant de temps en temps au détour d’une brèche dans les mots, une profonde tendresse. J’ai adoré les intermèdes. Poule et Poulet.

Nathalie Borderies

Cette histoire absolument terrible m’a fait frissonner du début à la fin, peut-être parce qu’elle touche en nous des points si cruciaux, la peur, toujours, de ne pas assez aimer, la peur de perdre l’autre avant d’avoir dit ce qu’on avait à dire, car les mots d’amour mille fois répétés soulignent leur propre insuffisance. Bref, j’ai été très sensible à ce texte, et traiter du mal d’amour avec cette force relève de la virtuosité.
Finalement, dans ton roman, c’est la pierre qui est le coeur qui bat, ce caillou rose, tendre comme le souvenir, et dur comme l’amour incommunicable.
Bravo, et maintenant, j’attends d’avoir la version de Fleur, celle qui, sans doute, me touchera le plus.

Nathalie Kuperman (dernier ouvrage paru : Petit déjeuner avec Mick Jagger)

Je termine à l’instant Et qu’on m’emporte.

Je suis chamboulé, c’est un chant bouleversant de douleur et de raison. Je ne sors pas indemne de cette lecture, encore moins qu’avec La  mère horizontale.

J’ai l’impression d’une réhabilitation de l’humanité défectueuse. Une  bienveillance intelligente à l’égard de l’animalité qui est en nous.  Tu dévisses l’appareil à conformités, tu l’envoies en travers de la  gorge et du coeur des bien-pensants, des vertueux que nous tentons  souvent de paraître pour nous contenter ou nous rassurer, pour nous
apaiser peut-être dans les rendez-vous avec nous même. J’ai beaucoup d’admiration pour ta grande sagesse et ton courage à  mettre, il me semble, tout ce qui est humain dans une même ronde  fatale, souvent insensée.
Un des préceptes du judaïsme est d’entretenir la mémoire. Si j’étais  religieux, ou philosophe, je serais tenté de dire que tu accomplis à  travers tes livres une grande “Mitzvah” une “Bonne Action” mais j’ai  l’impression que ta quête est plus spirituelle encore que  l’obéissance à des préceptes religieux ou philosophiques.

Eric Slabiak, musicien, fondateur avec son frère Olivier, du groupe Les Yeux Noirs

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Arnaud Huber à propos d'Et qu'on m'emporte

Quoique me risquant depuis quelques temps à tutoyer la vocation d’auteur, je reste un simple lecteur. Pas un grand lecteur. Je lis peu, car très lentement. Mais un lecteur que les mots, les beaux, les forts, les purs, emportent aisément. C’est ce qu’il m’est arrivé à la lecture du dernier, beau, fort et pur, roman de Carole Zalberg. Coïncidemment titré « Et qu’on m’emporte ».

Je ne vais pas m’étendre sur le fond. D’autres que moi s’en sont acquittés. Mieux que je ne saurais le faire. Ce qui m’impressionne par dessus tout chez Carole, c’est la forme. La force tranquille, pardonnez cette déjà désuète référence, de son style. Sa capacité à dire tout avec si peu. A manier l’ellipse comme un peintre manie le clair-obscur. A raconter une histoire par petites touches. Sans qu’aucun des traits, des aplats, des couleurs, des ombres qu’elle choisit de combiner ne paraisse de trop. Carole Zalberg ne cherche pas le joli mot, elle cherche le mot juste, celui qui traduira le plus précisément l’émotion qu’elle souhaite faire passer. Et ça fonctionne du feu de Dieu.

Dès les premières pages du roman, on sait ce qu’il va advenir de son personnage principal, Emma, mère indigne qui s’assume comme telle. Mais on ne sait pas encore de quelle manière Carole Zalberg va nous le faire ressentir.

C’est un peu comme d’écouter pour la première fois un morceau de rock progressif. On sait pertinemment que chaque note, chaque instrument, chaque progression d’accord tend vers un instant d’explosion qui ne durera peut-être que quelques secondes mais qui nous arrachera malgré tout mille frissons.

Lorsque cet instant arrive, dans le roman de Carole, ses mots prennent une dimension émotionnelle qu’il est en effet plus facile de rencontrer en musique qu’en littérature.

C’est suffisamment rare, trop rare même, pour mériter d’être lu, vécu, aimé, partagé.

Merci Carole…

Arnaud Huber

Article publié le 24 03 09

Amélie Nothomb à propos d'Et qu'on m'emporte

Belle surprise dans mon courrier , cette lettre d’Amélie Nothomb qui était partie en vacances avec les épreuves de mon roman paru le 4 février…


Chère Carole,

J’ai lu ton livre avec une émotion profonde. Ensuite, j’y ai beaucoup pensé.

Hier, dans une illumination, il m’est apparu que tu avais écrit le roman de Clytemnestre. Nul ne s’est jamais intéressé à ce personnage peu aimé, nul ne lui avait consacré de livre : c’est chose faite. Mutatis mutandis : aujourd’hui, une épouse n’a plus besoin de commander à son amant de tuer son mari pour se débarrasser de ce dernier. C’est la Clytemnestre de l’ère du divorce. Les enfants sacrifiés sur l’autel, cette fois, du peu d’intérêt que leur mère éprouve à leur endroit : il ne sera pas nécessaire d’immoler Iphigénie, elle s’en chargera elle-même à l’aide de drogues et d’alcools.

Mon explication a le mérite de rendre compte d’un autre phénomène : ce qui t’attache, après plus d’un livre, à cette singulière lignée, est une obsession tragique. Cette famille, ce sont les Atrides.

Bravo d’avoir montré une Clytemnestre, sinon sympathique, au moins humaine. Il était temps de lui rendre cette justice : cette femme n’est pas une criminelle mais une mère de peu de cœur. Tu lui rends son humanité et pour cette raison tu ne la gracies pas : elle mourra avec le poids de son erreur, symbolisé par la pierre manquante.

L’écriture est très belle et correspond à ce que l’on attend d’un grand personnage de tragédie. Comme dans un cycle tragique, on part du principe que le public sait.

Avis à ceux qui ne connaîtraient pas La Mère horizontale : heureusement cette faute est réparable chers lecteurs.

Merci pour ce livre courageux.

Amélie Nothomb

Ps : mon passage préféré : son enthousiasme des départs au travail. Elle a beau savoir que peu de surprises l’y attendent, elle aime partir le matin pour ce lieu autre, ne pouvant s’empêcher d’espérer quelque chose. C’est le moment où j’ai trouvé ce personnage le plus émouvant.

Ma mère est une junkie – Critique d'Audrey Diwan

A propos de La Mère Horizontale : Ma mère est une junkie. Par Audrey Diwan
juin 2008

Déjà sa mère l’a appelée Fleur parce qu’elle a été conçue avec un parfait inconnu dans un champ printanier. La pauvre enfant n’a de souvenir de cette femme qu’allongée par terre, ivre ou droguée. Et elle a eu le choix : sombrer ou comprendre. Emma, la grand-mère, était elle-même une fêtarde avant-gardiste qui supportait mal le rôle de desperate housewife que lui imposait l’époque. Résultat : Sabine a toujours senti que sa mère ne l’avait pas désirée. Résultat : Fleur a toujours senti que Sabine galérait dans son rôle de maman. Carole Zalberg signe un roman touchant à pleurer sur la folie qui ronge mathématiquement les femmes d’une génération à l’autre.

© Audrey Diwan, Glamour

Critique sur CritiquesLibres.com

Critique de Léa et les voix

sur CritiquesLibres.com

Par « Miller » le 24 juin 2003

« Déraillement contrôlé, dans le marais »
Avec ce second roman, l’auteure montre ses talents de concertiste, son indéniable capacité à intérioriser ses personnages, au point d’en sortir un son propre à chacun, avec cette capacité d’orchestrer le tout pour en faire une harmonie, donc un style.
Antoine, médecin, vit dans « le marais », selon sa propre expression quand il redevient lucide. Ce n’est pas du quartier de Paris dont il parle, mais c’est ainsi qu’il qualifie lui-même
son état cérébral, car il sombre lentement dans des absences, des troubles cognitifs de plus en plus fréquents, des trous de mémoire (et de vies) liés à des carences diverses, organiques, médicales, certes, mais aussi familiales. «
Comprendrai-je un jour par quel terrible déraillement notre famille autrefois modèle a pu se retrouver réduite à ce pathétique inventaire : un mort intérimaire & Antoine parle ici de lui-même –
son épouse esseulée, un mendiant mystique, une ex-activiste égocentrique et sa fille à la tête pleine de mots. Y-a-t-il quelque chose à comprendre d’ailleurs ? ».
Antoine a trois enfants. Denis, le mendiant errant en Inde. Christine, qui ne vient plus voir son père, ex-activiste et mère de la petite Léa à la tête pleine de mots.
Et enfin Alain qui est malade mental et qui va mourir dans un asile, où jusqu’à sa mort Léa sera presque la seule à lui rendre visite. Elle entretiendra avec l’oncle Alain un monologue, sur une ligne frontière dont nous ne savons plus où est délimité le normal de la folie, tant les normaux du monde nous prouvent chaque jour à travers l’actualité, à quel point ils sont fous et dangereux. Antoine est donc rongé par le remords, parce qu’il a placé Alain, son fils aliéné, un peu vite, il était médecin, il aurait pu nuancer les solutions, mais il avait été trop fier, trop soucieux des apparences, trop lâche.
Quand Carole Zalberg fait parler la petite Léa voilà ce qu’on peut lire : « Je devais avoir 5 ou 6 ans, pas plus …J’avais l’air d’un petit garçon… Un adolescent très pâle avec des airs de chat écorché c’était entiché de moi. Je l’aimais et je n’ai pas aimé plus fort depuis… lorsque je l’apercevais enfin, je courais immédiatement vers lui. C’est l’âge où on peut encore faire ça : montrer qu’on n’était absolument rien avant l’apparition de la personne aimée ». Le cerveau d’Antoine à commencé à perdre du terrain le jour où Léa est née, ainsi, par une sorte de translation, du Papy à la petite-fille, une mémoire passe, une culpabilité aussi, une rédemption, de la haine, de l’amour. Quelques piques bien senties, aussi, comme celle sur certains soixante-huitards ou sur La Famille.
Léa : « J’ai toujours eu l’impression d’être une pièce de puzzle rangée dans la mauvaise boîte ».

source

Mort et vie de Lili Riviera – CritiquesLibres.com

Sur CritiquesLibres.com :

Mort et vie de Lili Riviera, de Carole Zalberg

critiqué par Monsieur A., le 31 octobre 2005 ( – 43 ans) :

La note: 9 etoiles

Le coeur de Lili

Un livre qui nous parle de désir, du désir des autres, du désir d’être aimé, du désir charnel aussi suscité par cette Lili Riviera, poupée de chair modelée à coup de bistouri pour devenir une star du porno, la femme « aux plus gros seins du monde ».

L’écriture au scalpel de Carole Zalberg va à l’essentiel pour décrire la grandeur et la chute de cette Lili, un être déchiré par la vie qui devient, à force de vouloir exister, une sorte de monstre de foire…

Un récit maîtrisé de bout en bout, inspiré au départ du sort de la fameuse Lolo Ferrari mais qui nous entraîne sur d’autres chemins, sensibles, qui atteignent la conscience et le coeur de chacun.

« Mort et vie de Lili Riviera » Carole Zalberg – Ed. Phébus, 12 euros.

Lucien – – 55 ans – 2 novembre 2005 :

Les bombes, ça finit par exploser. 9 etoiles

J’ai lu le jour de sa sortie, ce nouveau roman où Carole livre le meilleur d’ellei-même. Impression d’une descente aux enfers ou d’une crucifixion. Si Ella, elle a « ce tout petit supplément d’âme », Lili souffre de l’inverse : un déficit d’âme. Elle, ou plutôt l’environnement qui la produit. Car Carole décrit très bien cette sorte d’horrible déterminisme qui la façonne : famille, « société », ce Marc, âme damnée, ce Cédric qui se brûle lui aussi à la flamme de l’artifice, ce profiteur de Francky, l’abominable docteur Z… Et toujours cette écriture sobre, précise, efficace. L’alternance réussie passé / présent. Tout est joué depuis le début, Lili est déjà morte. L’histoire d’une autopsie, en somme. Un procès verbal. Le mot juste, toujours le mot juste, rien que le mot juste. Et l’émotion s’insinue chez le lecteur, et l’écoeurement, et jusqu’à la culpabilité (en tant que père de deux filles, je me suis vu dans la peau de Bruno, et je n’étais pas fier). J’ai de nouveau songé à Mauriac, et notamment à ce beau titre qu’il disait pouvoir être celui de son œuvre entière : Le désert de l’amour. Oui, l’amour manque à cette femme, à cette mère qui cherche un ersatz en son dieu, à cette famille purement socio-biologique, à ces hommes bouffés par le désir, à cette société plastique… J’ai refermé le livre avec un sentiment de noire tristesse. Petite sœur de Marilyn ? Oui, sans doute, avec autant de souffrance ici que là, autant de distance entre la petite fille et la poupée, entre l’enfant et la putain. Des bombes… et les bombes, ça finit par exploser.