Discours de remise du Grand Prix SGDL du Livre Jeunesse à
Le jour où Lania est partie
Je suis très heureuse de remettre ce prix à Carole Zalberg pour son livre Le jour où Lania est partie, un livre qui conte l’histoire d’une petite fille d’un pays d’Afrique, Lania, arrachée brutalement à sa famille pour partir à la ville où elle sera employée comme domestique, d’une façon tout à fait secrète et illégale, tout simplement parce que elle et sa famille n’auront pas eu les moyens de s’opposer à ces étranges « voleurs d’enfants ». Parce qu’elle n’a pas été à l’école, n’a pas été instruite. C’est cela que veut dénoncer Carole, et dont elle s’explique elle-même à la fin du livre : « aller à l’école », pour chaque enfant de chaque pays, est la clé de la liberté.
Ecrire pour la jeunesse, et ici plus précisément pour les enfants entre 10 et 12 ans dans cette collection de chez Nathan intitulée « C’est la vie! », n’est pas chose facile : il faut faire rêver, oui, mais faire comprendre aussi, les deux à la fois, sans que l’un empiète sur l’autre. C’est ce qu’elle réussit, avec son écriture limpide, émouvante. Cette même écriture que nous retrouvons, plus âcre peut-être, plus forte encore, dans ses romans – elle en a écrit cinq – dont le dernier La Mère horizontale faisait aussi partie de notre sélection pour le prix du roman et a retenu toute notre attention. Nous y retrouvons comme dans un écho discret, le thème qui parcourt l’histoire de Lania : celui de l’enfance perdue, du nid bouleversé. Lania retrouvera ce nid, plus tard, mais grandie, mûrie par l’épreuve. Le personnage nommé « Fleur », dans le roman adulte, ne pourra le retrouver qu’en recréant elle-même ce nid, en donnant naissance à un enfant. C’est cela qui donne toute sa saveur à l’écriture de Carole, aux histoires qu’elle raconte de façon si bouleversante : en fond, en sourdine, toujours cette nostalgie d’un paradis perdu… D’une histoire à reconstruire, à chaque fois.
François Henry, dernier ouvrage paru : Le rêve de Martin, Grasset.