Mes chroniques sur aVoir-aLire

aVoir.aLire

Mort et vie de Lili Riviera – Frédéric Mairy – avoir alire

Mort et vie de Lilie Riviera

Mort et vie de Lilie Riviera

Étonnante coïncidence quand même, les visages liftés ne décorant pas souvent les trains de mon quotidien. Le sien était planté à deux mètres de moi, déjà un classique : pommettes relevées, lèvres gonflées, nez effilé. Des lunettes noires à grosse monture pour marquer la finesse de ce dernier. Et, pour souligner l’importance du tout, un téléphone portable dernier cri dans lequel elle – la quarantaine ? – faisait tomber des mots chuchotés et apparemment douloureux.

Elle m’a tiré de la lecture de Mort et vie de Lili Riviera, de Carole Zalberg. Un bouquin rempli de sensibilité dans lequel cette belle et chère plume d’aVoir-aLire imagine, avec beaucoup de retenue, la triste existence d’une Lolo Ferrari romancée mais tout autant charcutée. La faute à une enfance meurtrie, à l’indifférence de sa mère, à la haine de son corps – quelles blessures ma voisine a-t-elle voulu soigner ?

Aucune peut-être, ma réflexion tourne court. Je ne vois, dans ces lèvres qui s’agitent, rien de la vie de Lili. A l’empathie, son sac à main griffé « LV » me fait préférer les clichés, confortés par sa descente du train dans la plus bourgeoise des bourgades du coin. Je me fredonne du Romain Didier, me dit qu’elle broie du noir à tout hasard, des fois qu’le noir ça la mincisse. Je reprends ma lecture. Sans doute me faudrait-il un aussi bon roman pour trouver chez ma brève compagne de voyage de quoi m’attendrir un peu.

Frédéric Mairy

source :  http://www.avoir-alire.com/article.php3?id_article=6569

Mort et vie de Lili Riviera – Marianne Spozio (avoir-alire)

Mort et vie de Lilie Riviera

Mort et vie de Lilie Riviera

Du fait divers au mythe, le roman saisissant de l’outrance et de la quête d’amour.

Quelle femme (quel homme) ne s’est pas posé de questions sur celle qui a défrayé la chronique en se transformant en objet chirurgicalement recomposé, bouche en cul de poule et prothèses mammaires si outrageusement siliconées qu’elles la faisaient ressembler à une de ces Vénus paléolithique de la fécondité ? Quelle rage de se détruire, quelle tragédie personnelle se cachaient-elles derrière ce corps martyrisé ? Loin de toute curiosité morbide ou mal placée, Carole Zalberg s’empare de ce personnage public pour essayer de comprendre. Elle ne connaît quasiment rien d’elle. Elle va lui inventer un nom, une vie. Ou plutôt une mort… lente.

Construit en deux spirales qui se rejoignent et s’éclairent, le roman de Lili Riviera alterne les scènes des derniers jours, sordides et poignantes, et celles qui recréent son enfance et son adolescence. Car tout, toujours, revient aux premières années, à l’amour qu’on a eu ou pas, et après lequel on court sans relâche, quitte à se fourvoyer. Bien sûr, il est rare d’aller aussi loin que Lili dans la détestation de soi. Il est rare de faire appel à des remèdes aussi radicaux pour réparer les blessures originelles. Cependant, le fil est fragile, sur lequel chacun se tient en équilibre, et s’il se rompt…

D’un sujet qui aurait pu être scabreux, Carole Zalberg bannit tout voyeurisee, se coule dans la peau suppliciée de Lili pour écrire au plus près de son modèle. L’empathie, la compassion éclatent à chaque page. Le sort de cette femme, manipulée mais consentante, sa longue descente aux enfers, émeuvent au plus profond des tripes, grâce à la juste distance que l’auteure a su prendre par rapport à son sujet. Une distance ténue, à peine un souffle. L’écriture est resserrée, précise. L’élégance de ton que l’on connaît à Carole Zalberg se double ici de moments d’une intensité poétique confondante. Jamais ne jugeant, encore moins ne condamnant, elle matérialise sous sa plume pleine de tendresse cette recherche obstinée, semblable à un chemin de croix. Et l’on réalise avec effroi que nous sommes tous des Lili en puissance. Force des mots, force de la littérature pour aller à l’universel en partant d’un fait divers cruel. Et construire un tombeau en forme de mythe saisissant à cette femme désespérée qui s’est elle-même immolée sur l’autel de la quête d’amour.

Marianne Spozio

Carole Zalberg, Mort et vie de Lili Riviera, Phébus, 2005, 158 pages, 12 €

source : http://www.avoir-alire.com/article.php3?id_article=6350