- A propos de J’air, de Sandrine Rotil-Tiefenbach
- A propos de Café grec, de Jean-Joseph Julaud
- A propos de Longtemps je me suis couché de bonne heure, de Jean-Pierre Gattégno
- A propos de Le Dieu des femmes, de Dominique Sampiero
- A propos de Le Démon, d’Hubert Selby Jr.
- Mes meilleurs slows (la playlist de l’invité)
- A propos de Laissez-moi, de Marcelle Sauvageot
- A propos de Quand l’empereur était un dieu, de Julie Otsuka
- A propos de Les Eternelles, d’Yves Simon
- A propos de La rotonde, d’Anne-Marie Garat
- A propos de Bons Baisers de New York, d’Art Spiegelman, préface de Paul Auster
- A propos de Guerres froides, de Virginie Lou
- A propos de Les jours fragiles, de Philippe Besson
- A propos de Le ciel des chevaux, de Dominique Mainard
- A propos de La bête qui meurt, de Philip Roth
- A propos de Ivresses du fils, de Daniel Arsand
- A propos de Court Serpent, de Bernard du Boucheron
- A propos de Tout ira bien, de Kéthévane Davrichewy
- A propos de Second rôle, d’Alexandre Moix
- A propos de Ecole, terrain miné, de Carole Diamant
- A propos de Happy End, de Julie Wolkenstein
- La théorie de la pile
- A propos de Les infernales, de Stéphanie Hochet
- A propos de A la lettre près, de Cyrille Pomès
- A propos de Les amants imparfaits, de Pierrette Fleutiaux
- A propos de La peau des autres, d’Eric Paradisi
- Entretien avec Eric Paradisi
- A propos de Magnus, de Sylvie Germain
- A propos de A ton image, d’Aurélie Zarka
- A propos de Le ciel pour mémoire, de Thomas B. Reverdy
- A propos de Le Père de la petite, de Marie Sizun
- A propos de Coup-de-Fouet, de Bernard du Boucherron
- A propos de Des croix sur les murs, de Christophe Rioux
- A propos de Les étoiles à l’envers, de Pierrette Fleutiaux et JS Cartier
- A propos de En retard pour la guerre, de Valérie Zenatti
- A propos de J’ai renvoyé Marta, de Nathalie Kuperman
- A propos de Sumo sur brin d’herbe, d’Alexandre Millon
- A propos de L’eau rouge, de Pascale Roze
- A propos de Suite française, d’Irène Némirowsky
- A propos de Lignes de faille, de Nancy Huston
Archives du mot-clé avoir-alire
Mort et vie de Lili Riviera – Frédéric Mairy – avoir alire
Étonnante coïncidence quand même, les visages liftés ne décorant pas souvent les trains de mon quotidien. Le sien était planté à deux mètres de moi, déjà un classique : pommettes relevées, lèvres gonflées, nez effilé. Des lunettes noires à grosse monture pour marquer la finesse de ce dernier. Et, pour souligner l’importance du tout, un téléphone portable dernier cri dans lequel elle – la quarantaine ? – faisait tomber des mots chuchotés et apparemment douloureux.
Elle m’a tiré de la lecture de Mort et vie de Lili Riviera, de Carole Zalberg. Un bouquin rempli de sensibilité dans lequel cette belle et chère plume d’aVoir-aLire imagine, avec beaucoup de retenue, la triste existence d’une Lolo Ferrari romancée mais tout autant charcutée. La faute à une enfance meurtrie, à l’indifférence de sa mère, à la haine de son corps – quelles blessures ma voisine a-t-elle voulu soigner ?
Aucune peut-être, ma réflexion tourne court. Je ne vois, dans ces lèvres qui s’agitent, rien de la vie de Lili. A l’empathie, son sac à main griffé « LV » me fait préférer les clichés, confortés par sa descente du train dans la plus bourgeoise des bourgades du coin. Je me fredonne du Romain Didier, me dit qu’elle broie du noir à tout hasard, des fois qu’le noir ça la mincisse. Je reprends ma lecture. Sans doute me faudrait-il un aussi bon roman pour trouver chez ma brève compagne de voyage de quoi m’attendrir un peu.
Frédéric Mairy
source : http://www.avoir-alire.com/article.php3?id_article=6569
Mort et vie de Lili Riviera – Marianne Spozio (avoir-alire)
Du fait divers au mythe, le roman saisissant de l’outrance et de la quête d’amour.
Quelle femme (quel homme) ne s’est pas posé de questions sur celle qui a défrayé la chronique en se transformant en objet chirurgicalement recomposé, bouche en cul de poule et prothèses mammaires si outrageusement siliconées qu’elles la faisaient ressembler à une de ces Vénus paléolithique de la fécondité ? Quelle rage de se détruire, quelle tragédie personnelle se cachaient-elles derrière ce corps martyrisé ? Loin de toute curiosité morbide ou mal placée, Carole Zalberg s’empare de ce personnage public pour essayer de comprendre. Elle ne connaît quasiment rien d’elle. Elle va lui inventer un nom, une vie. Ou plutôt une mort… lente.
Construit en deux spirales qui se rejoignent et s’éclairent, le roman de Lili Riviera alterne les scènes des derniers jours, sordides et poignantes, et celles qui recréent son enfance et son adolescence. Car tout, toujours, revient aux premières années, à l’amour qu’on a eu ou pas, et après lequel on court sans relâche, quitte à se fourvoyer. Bien sûr, il est rare d’aller aussi loin que Lili dans la détestation de soi. Il est rare de faire appel à des remèdes aussi radicaux pour réparer les blessures originelles. Cependant, le fil est fragile, sur lequel chacun se tient en équilibre, et s’il se rompt…
D’un sujet qui aurait pu être scabreux, Carole Zalberg bannit tout voyeurisee, se coule dans la peau suppliciée de Lili pour écrire au plus près de son modèle. L’empathie, la compassion éclatent à chaque page. Le sort de cette femme, manipulée mais consentante, sa longue descente aux enfers, émeuvent au plus profond des tripes, grâce à la juste distance que l’auteure a su prendre par rapport à son sujet. Une distance ténue, à peine un souffle. L’écriture est resserrée, précise. L’élégance de ton que l’on connaît à Carole Zalberg se double ici de moments d’une intensité poétique confondante. Jamais ne jugeant, encore moins ne condamnant, elle matérialise sous sa plume pleine de tendresse cette recherche obstinée, semblable à un chemin de croix. Et l’on réalise avec effroi que nous sommes tous des Lili en puissance. Force des mots, force de la littérature pour aller à l’universel en partant d’un fait divers cruel. Et construire un tombeau en forme de mythe saisissant à cette femme désespérée qui s’est elle-même immolée sur l’autel de la quête d’amour.
Marianne Spozio
Carole Zalberg, Mort et vie de Lili Riviera, Phébus, 2005, 158 pages, 12 €
source : http://www.avoir-alire.com/article.php3?id_article=6350