Renaissance des chansons

Dans une première vie, avant de publier des livres, j’ai été parolière et j’ai adoré cela, la brièveté des textes, l’intensité de la rencontre entre deux univers, leur fusion, et les moments de partage avec le public. Ma plus belle aventure musicale d’alors, la plus marquante, celle où la connivence était la plus forte, je la dois à Christophe Berthier, dont les compositions et la voix étaient à la fois terreau et chemin pour mes mots. Près de deux décennies plus tard, nos chansons m’apparaissent comme une première forme de mes romans à venir. D’où l’envie de les remettre au monde.
Voici la toute première.

Nouvelle parue dans l’Humanité du 15/09/15

humanousvives

Nous vives

Nous n’avons pas été sauvées.

Une poignée d’entre nous nous sommes enfuies mais nous n’avons pas été sauvées.

Nous sommes pour la plupart encore entre leurs mains.

Nous étions lycéennes. Nos têtes étaient nues. Les rebelles ont dit vous voulez vivre ou vous voulez mourir ? Si vous voulez vivre venez avec nous. Nous avons eu peur, nous avons suivi en tremblant, en mourant déjà un peu. Nous voulions vivre mais ce qu’eux veulent pour nous, est-ce que c’est vivre ? Est-ce que ne plus rien apprendre, être converties de force à leur dieu, n’exister que comme bonnes à marier dés neuf, dix, douze ans, nous considérons que c’est vivre ? Dans nos ventres, ça répondait non, c’est la mort, c’est la fin, et, à deux ou trois peut-être plus terrifiées encore que le reste d’entre nous, ou plus folles, nous avons sauté du camion qui nous emmenait vers ce qu’ils avaient décidé pour nous. Nous nous sommes blessées. Nous avons eu faim et soif. Nous nous sommes perdues. Nous avons été retrouvées mais nous n’avons pas été sauvées. Pas plus que les autres, que nous n’avons pas revues.(…)

 

Lire Nous vives en intégralité.