Joie
C’est officiel: mon prochain roman, « A défaut d’Amérique« , paraîtra chez Actes Sud pour la rentrée littéraire de janvier.
A quoi est-on relié ? Qu’y a-t-il derrière nos choix, nos gestes et nos paroles et qu’est-ce qui en naîtra ? Qui et que sommes-nous vus d’un peu plus haut et d’un peu plus loin ? Ces interrogations m’accompagnent en permanence et déterminent mon travail d’écriture. Pas de psychologie mais une conscience des lignes : droites ou courbes, de fuite ou de démarcation, courant d’un siècle à l’autre à travers les continents et qui fournissent comme une infrastructure à mes romans.
C’est particulièrement vrai pour A défaut d’Amérique où chaque trajectoire est marquée par l’errance et la désillusion. Il était à la fois exaltant et intimidant, cet entrelacs à démêler maillon par maillon, mot par mot, loupe à l’œil en gardant à l’esprit la vision plus large, le tableau d’ensemble.
Je suis entrée dans le roman en sachant qu’Adèle la Française, veuve encore fringante, allait décliner la demande en mariage de Stanley l’Américain, son amour de jeunesse miraculeusement retrouvé, veuf lui aussi, et fortuné. Je savais aussi que Suzan, la fille du vieux soupirant, en serait soulagée, irait plus tard à l’enterrement de la Française. De là j’ai suivi les lignes, j’ai collé à la roue de ces deux femmes et de tous ceux vers qui elles me conduisaient. J’ai vu Adèle enfant dans le ghetto de Varsovie, j’ai vu arriver la Grande guerre, ses drames et ses déplacements. J’ai vu Suzan errer différemment, sédentaire et en sécurité mais héritière des peurs et des déracinements de tant de générations avant elle, pas à sa place, incapable de se trouver. Entre elles une Amérique réelle et fantasmée.
Et toutes deux avançaient avec leurs fantômes qui, dans le roman comme dans le monde tel que je le perçois, sont aussi présents que les vivants.