A propos de "Féroces tropiques", de Bellefroid et Pinelli

Féroces tropiques est une œuvre hybride et palpitante tant par le récit rythmé et ambitieux qu’elle déroule que par la force vive du trait et des couleurs. Succession de tableaux tenus ensemble par des mots économes plus qu’enchaînement de cases, elle exige du lecteur/spectateur l’abandon. Car le liant, ici, est la poésie.

A propos de "A l’arrache", de Patrick Goujon

Cette porosité est en quelque sorte la marque de fabrique de Goujon, son élément naturel. Dans ses trois précédents romans, et plus particulièrement dans « Hier dernier », le lecteur était déjà embarqué dans un flot fait de courants contraires et de personnages en miroirs, en lien si profond qu’ils semblaient appartenir à un organisme unique. La lumière aussi est décisive, dans l’œuvre de Patrick Goujon. Tour à tour crue, bienveillante, géométrique, irréelle, elle nuance sans maquiller. Mieux qu’une couleur, une transparence changeante qui sied parfaitement à son écriture liquide. L’eau du baptême pour les oubliés et les perdants, ou plutôt les perdus.

A propos des Hommes sirènes, de fabienne Juhel

Ce pourrait être un poison, ce récit d’une vie volée et des épreuves nécessaires avant d’être enfin soi. Mais il y aura l’amitié sur le chemin, il y aura des corps aimants et des âmes bienveillantes logées dans un caillou ou le bruissement des feuilles dans le vent, il y aura le refuge des songes, ce lieu secret de la réunion.
Ce pourrait être un poison mais il y a la beauté d’une langue pétrie de ce que Fabienne Juhel sait entendre : le chant des éléments, les histoires confiées aux pierres et aux arbres, l’écho des existences que la terre couve.

A propos d’Incident de personne, d’Eric Pessan

L’homme annexé Éric Pessan écrit autour du vide. Fasciné – amoureux ? – il le sonde mot à mot déposés tels des cailloux, le frôle, choisit d’y jeter lumière ou ombres. Et le vide, bien sûr, se dérobe : fécondé de récits, il n’est plus, ne demeure que dans la tentation de l’écrivain. De livre… Poursuivre la lecture A propos d’Incident de personne, d’Eric Pessan

A propos de "Naissance d'un pont", de Maylis de Kérangal

C’est qu’à l’instar de Diderot, le chef de chantier nulle part chez lui que dans la pensée de l’ouvrage à accomplir, Kérangal se place « à la culotte des choses », ne lâche pas un instant sa garde rapprochée. Comme Diderot, c’est là qu’elle se déploie. C’est de là qu’elle déroule portrait après portrait, s’arrêtant à un moment donné d’un espace ou d’un personnage et puis tirant, tirant, dévidant la bobine compliquée des vies et des endroits d’un monde unifié par les cohortes en mal d’emploi.

A propos de "La blessure la vraie", de François Bégaudeau

On était là quand un idiot, un sublime innocent était malmené par le groupe tandis qu’on se taisait. On était là, dans les conversations poussives et aussi dans l’évidence d’une ultime rencontre, sa promesse qui ne serait jamais tenue. On était dans ce rythme et ce décor daté, quasi disparu, dans ces lieux que la tempête, vingt ans plus tard, viendrait effacer.

On était là quand Bégaudeau, sous nos yeux, s’inventait écrivain.

Compte-rendu de la soirée du 13 janvier 2011

Mais surtout, il me semble que ces trois textes tiennent droit et sont puissants parce que ce que vous allez chercher tous les trois, c’est ce qui, en l’homme, est irréductible. D’accord, vous mettez les mains dans le cambouis, mais c’est pour en rapporter une chose essentielle, une sorte de noyau : cette part de l’homme qui résiste.

A propos de "Où j’ai laissé mon âme", de Jérôme Ferrari

La fin et les moyens* Jérôme Ferrari est un mineur de fond. Livre après livre il descend vers l’obscur, éclaire, paré de sa langue lumineuse et de sa compassion, les zones reculées où se cache le cœur de l’homme. On l’imagine écrire sous la dictée d’une fièvre, celle de creuser et creuser encore à la… Poursuivre la lecture A propos de "Où j’ai laissé mon âme", de Jérôme Ferrari

A propos de "Nous étions des êtres vivants", de Nathalie Kuperman

Dans l’écume des jours* Le nouveau roman de Nathalie Kuperman s’annonce moins décalé et intimiste que les précédents. Nous étions des êtres vivants retrace en effet ce temps terrible où une entreprise attend d’être liquidée ou reprise. On est donc là face à l’un de ces sujets réalistes et sensibles qui occupent, à juste titre,… Poursuivre la lecture A propos de "Nous étions des êtres vivants", de Nathalie Kuperman

A propos de Bonjour Anne, de Pierrette Fleutiaux

A travers cet exercice de recueillement – un recueillement qui serait à la fois hommage et collecte – Pierrette Fleutiaux parle aussi de toutes les femmes et en parle à toutes les femmes. Celles d’hier qui ont su ou non s’affranchir des carcans, celles d’aujourd’hui qui pourraient être tentées de baisser la garde, celles de demain, pour qui l’on tremble un peu. Car si l’on a pu oublier en une ou deux décennies l’œuvre reconnue et célébrée d’Anne Philippe, qu’en sera-t-il des combats menés pour l’égalité ? Qu’en sera-t-il des libertés si douloureusement gagnées ? Une société qui ne sait pas se souvenir n’est-elle pas condamnée au recul, voire à la répétition du pire ?